en mesure ; au bout d’une heure, une motte de beurre s’était formée dans la calebasse.
Ces travaux n’étaient rien en comparaison de celui dont je vais entretenir maintenant le lecteur : j’avais apporté du navire quelques roues de canon ; après des peines infinies, après des essais inutiles, j’arrivai enfin à faire une machine lourde et informe, ressemblant plus ou moins à un char, et qui fut placée sur deux roues ; ensuite je construisis un tombereau du même genre. Pendant que je me livrais avec persévérance à mes travaux de charronnage, travaux bien neufs pour moi, mes enfants plantèrent nos arbres fruitiers en deux allées droites, depuis notre pont jusqu’à Falkenhorst ; les ceps de vigne furent placés à l’ombre des arbres touffus, dont le feuillage les défendrait des trop grandes ardeurs du soleil. À Zeltheim, sol aride et sec, ils plantèrent des orangers, des citronniers, des pistachiers, des pamplemousses, des amandiers, des mûriers, des grenadiers, des goyaviers ; ces arbres, dont plusieurs étaient fort serrés les uns contre les autres, devaient plus tard former un rempart végétal autour de Zeltheim, tandis que des avancements naturels de terrains, des saillies de rocher, étaient déjà de vrais bastions, propres, en cas d’attaque, à porter nos canons pris au navire et nos armes à feu ; au bord de la mer, près de notre abordage ordinaire, je plantai moi-même quelques pieds de cèdre. Ces travaux, rudes et fatigants, prirent plus de six semaines de notre temps. Ils développèrent les forces physiques de mes fils ; mais ils usèrent tellement leurs vêtements, qu’il fallut songer à retourner au navire pour en trouver d’autres dans les malles des officiers et dans les coffres des matelots. De plus, je le dis en toute humilité, nos chars, dont j’étais quelque peu fier, avaient plus d’un défaut : les roues tournaient mal et en produisant un bruit aigu dont nos oreilles étaient arrachées ; ma femme regrettait le beurre que j’employais à graisser les essieux ; l’âne et la vache ne parvenaient que difficilement à les traîner. Pour