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le robinson suisse.

Ces paroles tranquillisèrent nos pauvres enfants, habitués à toujours croire, sans examen, ce que leur père leur disait. Pour ma femme, elle comprit les inquiétudes que j’éprouvais ; mais sa résignation vraiment chrétienne ne se démentit pas.

« Prenons quelque nourriture, me dit-elle : l’âme se ressentira du soulagement donné au corps ; la nuit qui approche peut être une nuit bien affreuse. Que la volonté de Dieu soit faite ! »

Le soir vint ; la tempête continua ; de tous côtés, le navire était battu par les vagues, nous vîmes bien qu’aucune des chaloupes ne pourrait échapper à la tourmente.

« Papa, s’écria le plus jeune de mes enfants, âgé de six ans, le bon Dieu se décidera-t-il bientôt à nous secourir ?

— Tais-toi, répondit son frère aîné. Est-ce à nous de prescrire quelque chose à Dieu ? Attendons son secours avec patience et humilité. »

Ma femme nous prépara à souper ; nos enfants mangèrent avec plus d’appétit que nous ; ensuite, s’étant jetés sur leurs lits, ils s’endormirent profondément. Fritz seul, qui comprenait mieux que ses frères la gravité du danger, voulut veiller avec nous une partie de la nuit.

« Mon père, me dit-il, n’aurions-nous pas ici de quoi faire des espèces de corsets natatoires pour mes frères et ma mère, avec des vessies, des morceaux de liège ou des bouteilles vides ? Quant à nous, il nous sera facile de nous sauver à la nage, à force de bras.

— La pensée est bonne, lui répliquai-je ; je vais m’occuper de la mettre à exécution afin d’être, cette nuit, prêts à parer à tout événement. »

Nous trouvâmes dans notre chambre des petits barils et des boîtes de fer-blanc qui nous avaient servi à emporter des provisions de voyage ; nous les liâmes deux à deux avec des mouchoirs et les attachâmes solidement sous les bras de nos enfants ; ma femme fit la même chose pour elle ; nous mîmes dans nos poches des couteaux, des briquets, de la