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le robinson suisse.

CHAPITRE XV

Retour de l’âne. — L’onagre ; comment nous parvenons à nous en rendre maîtres. — La couvée de la poule gélinotte. — Le lin vivace ou phormium. — Le nid du flamant. — Provisions d’hiver : pommes de terre, racines de manioc. — Nous semons un peu de blé. — Instruments aratoires de mon invention. — Les veillées d’hiver. — La lecture. — Le dessin. — Rédaction de mon journal. — Idée que nous inspire un passage de Robinson Crusoé. — Le battoir. — Les cardes.


Un matin, nous venions de nous lever, lorsque nous entendîmes au loin des cris singuliers assez semblables à des hurlements de bêtes féroces affamées qui rôdent autour d’un bercail ; j’étais inquiet et nos chiens paraissaient aussi l’être, car ils aiguisaient leurs dents comme pour un combat meurtrier et dressaient leurs oreilles comme pour écouter.

Je crus prudent de nous tenir sur nos gardes, prêts à tout événement : les pistolets et les fusils furent chargés ; je mis aux dogues leurs colliers à clous et leurs cottes d’armes de porc-épic ; je descendis pour rassembler le bétail. Remonté dans l’arbre, je regardai de tous côtés, cherchant à découvrir l’ennemi. Mes fils faisaient différentes suppositions. Jack désirait que ces animaux fussent des bons ; Fritz croyait avoir reconnu le cri plaintif du chacal ; Ernest déclarait que c’étaient des hyènes ; François disait : « Je crains bien que ce ne soient des sauvages venus dans l’île pour dévorer les prisonniers. Tâchons de les tuer pour avoir un bon Vendredi, comme celui de Robinson Crusoé. »

Cependant les cris se rapprochèrent. Fritz, placé en embuscade d’un autre côté de l’arbre, partit tout à coup d’un immense éclat de rire, jeta son fusil, et, s’étant avancé vers nous, il s’écria : « Vous ne devinez pas ? C’est l’âne, c’est l’âne qui nous revient en chantant, de sa voix mélodieuse, l’hymne du retour. Écoutez ses hi-han ! hi-han ! dits sur les