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le robinson suisse.

tons les plus pathétiques. » Fritz avait raison : nous aperçûmes, à travers la forêt, maître baudet se prélassant avec gravité, et derrière lui venait un animal beaucoup plus beau, plus gracieux dans son allure, et que je reconnus pour un onagre ou âne sauvage, appelé encore par les Tartares cheval à longues oreilles. Je pensai aussitôt à m’approprier ce superbe animal ; je descendis donc avec Fritz, après avoir recommandé aux autres enfants de rester tranquilles, sans pousser aucun cri. J’emportai une longue corde dont l’un des bouts fut attaché solidement à un arbre voisin, l’autre bout était un nœud coulant ; je le tins ouvert au moyen d’une baguette qui devait tomber d’elle-même en touchant le cou de l’animal, tandis que le nœud alors le serrerait s’il voulait s’enfuir. Je fis ensuite une sorte de grande pincette en fondant un bambou par le haut. Fritz ne comprenait pas trop où je voulais en venir, et, emporté par la fougue de son caractère, il me pria de le laisser lancer sa fronde à balles contre l’onagre. Cette fois je ne voulus point lui permettre de chasser à la manière des Patagons : je craignais trop que l’onagre, échappant à la fronde, ne prît la fuite et ne fût perdu pour toujours. Comme Fritz était plus leste et plus adroit que moi, je lui donnai le nœud coulant pour en faire usage comme d’un lacet ; en deux mots, je lui expliquai ce qu’il fallait faire.

Les deux nouveaux venus n’étaient déjà plus qu’à quelques pas de nous ; Fritz sortit avec précaution de derrière l’arbre où nous nous étions embusqués, et s’avança autant que la longueur de la corde le lui permettait.

L’onagre, en apercevant, sans doute pour la première fois, une figure humaine, recula étonné et s’arrêta comme pour regarder Fritz, puis il se mit à brouter. Fritz prit dans sa poche une poignée d’avoine mêlée de sel et la présenta à notre ancien serviteur, qui, attiré par cette pâture favorite, la mangea avec avidité ; sa confiance gagna son compagnon, qui s’approcha à son tour, mais prudemment, le-