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le robinson suisse.

cette belle capture. Les difficultés à vaincre pour apprivoiser l’onagre étaient très-grandes, et je me rappelais avoir lu dans les relations de voyages beaucoup de détails sur le caractère prétendu indomptable de l’onagre. « Mais qui sait, me disais-je, si l’on a usé d’assez de patience et de douceur ?

Comprenait-on comme nous l’importance de cet animal ? Je tenterai tous les moyens imaginables, excepté les mauvais traitements, pour réussir. Quelle belle conquête à faire sur le règne animal si je pouvais emmener cet onagre en Europe, en supposant que j’y retourne jamais ! »

Je lui laissai jour et nuit ses pincettes au nez : elles le gênaient beaucoup ; mais, sans elles, il nous eût été impossible d’en approcher ; on les lui ôtait seulement aux heures où il prenait sa nourriture. Ensuite je lui mis un paquet de toile à voile sur le dos, pour l’habituer à porter ; je le rendis plus docile encore par la soif et la faim : après un jeûne d’un jour, il recevait sa nourriture avec moins d’agitation et de colère ; je l’empêchai de se coucher au moyen de cordes passées sous le ventre ; en un mot, je fis tout ce qui me sembla capable de le dompter. Assez souvent mes fils venaient lui gratter doucement les oreilles, qu’il avait très-sensibles, et c’était sur cette partie que je résolus de tenter une dernière épreuve, si les premiers moyens employés par moi étaient sans bon résultat.

Il commença à se laisser approcher et caresser même ; déjà mes enfants parlaient de le monter. Je desserrai les liens de l’onagre et rendis un peu plus de liberté à ses mouvements ; mais cette faveur ranima sa sauvage vivacité ; il rua, fit des sauts terribles et voulut même nous mordre. Je dus lui fabriquer une sorte de muselière en roseau qu’il gardait après avoir mangé ; pour l’empêcher de nous frapper de ses pieds de derrière, je les lui liai par deux cordes avec ceux de devant, sans néanmoins le forcer à l’immobilité. Enfin je me résolus à un dernier essai qui me