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le robinson suisse.

vant la tête, regardant à droite et à gauche. Fritz, prompt comme l’éclair, saisit le moment favorable et lui jette son lacet autour du cou. L’animal sauvage veut prendre la fuite, mais en se débattant il resserre le nœud fatal et tombe par terre à moitié étranglé, la langue pendante ; j’accours alors moi-même, et, après avoir desserré le lacet, je lui passe un licou de notre âne et lui serre les naseaux avec ma pincette de bambou. C’est ainsi que s’y prennent les maréchaux qui ferrent un cheval pour la première fois. Le licou fut attaché par deux longues cordes aux grosses racines d’un arbre voisin.

Bien sûr alors que l’animal ne pourrait nous échapper, je fis signe à ma famille de descendre de l’arbre, et chacun regarda avec admiration cet animal, qui, par ses formes gracieuses, par sa taille, mériterait d’être rangé dans la classe des chevaux plutôt que dans celle des ânes. Je le laissai revenir à lui pour voir ce qu’il ferait et comment m’y prendre pour le dompter.

Après quelques instants de stupeur, il se releva, frappa du pied la terre, et rua avec tant de force, que je craignis que ses liens ne se rompissent ; mais la pince, qui lui serrait le nez, occasionnait une sorte d’étouffement ; il ne tarda pas à s’étendre de nouveau. Nous en profitâmes pour délier doucement les cordes et traîner la bête entre deux racines très-rapprochées où elle fut attachée si court, que ses emportements devaient être sans danger. Il fallait encore prendre les moyens d’empêcher une seconde fuite de maître baudet : on lui passa donc un fort licou, on lui mit une corde lâche aux pieds de devant, et je plaçai devant les deux captifs une bottelée d’herbe saupoudrée de sel ; leur avide gourmandise parut leur faire oublier momentanément leur captivité.

Ce n’était point pour admirer l’onagre que nous l’avions pris ; nous voulions le dresser de manière qu’il nous fût utile ; en fin de compte, la perte de l’âne nous avait valu