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le robinson suisse.

déplorable de notre cabane me fit sentir encore plus la nécessité d’exterminer sans merci les audacieux dévastateurs.

Nous avions emporté de Falkenhorst des pieux hauts de trois ou quatre pieds, attachés deux par deux avec des cordes ; nous avions pris aussi des morceaux de noix de coco et des écuelles de courge. Je fichai les pieux en terre et formai une sorte de haie ou de labyrinthe autour de la métairie ; en avant des pieux furent tendues de longues et solides ficelles, en sorte qu’il était difficile d’arriver à la porte de la métairie sans toucher aux pieux et aux cordes. De distance en distance, je posai pour servir d’appâts les écales de noix de coco et les calebasses remplies de maïs, de vin de palmier, de riz, toutes choses dont les singes sont très-friands. Fritz plaça sur le toit et le long des parois extérieures de la cabane des branches d’acacia épineux, auxquelles j’avais attaché des pommes de pin pinier. Pieux, cordes, noix de coco, calebasses, courges, branches d’acacia, pommes de pin, furent enduits avec soin d’une épaisse couche de glu ; j’en étendis même sur le toit et sur les bancs. Mes fils garnirent de pièges les arbres voisins ; je recommandai à Jack, qui, dans ce dessein, était monté dans un jeune palmier, d’en presser le sommet pour nous procurer un vin rafraîchissant. Jack s’y prit avec beaucoup d’adresse : après nous avoir envoyé la couronne de palmier, coupée à coups de hache, il nous lança une longue ficelle à laquelle nous attachâmes les gluaux dont il lui eût été impossible de se charger.

Malgré toute notre promptitude à faire nos préparatifs, une grande partie de la journée s’était déjà écoulée. Le soleil indiquait trois heures ; les singes, au lieu de prendre le chemin de la cabane, continuaient à ravager la rizière ; il y avait peu d’apparence qu’ils en sortissent ce jour-là. Nous nous retirâmes sous notre tente ; Ernest fut chargé de nous préparer à souper et s’acquitta parfaitement de ce serin. Il avait une certaine vocation à être maître d’hôtel ou cuisinier en chef : il nous servit de bons morceaux de viande salée