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le robinson suisse.

cuite par lui, des noix de coco, du chou palmiste et quelques fruits. Nous étant ensuite enveloppés dans nos couvertures, nous dormîmes sous la protection de nos chiens, placés en sentinelle à l’entrée de la tente.

Le lendemain, dès l’aurore, un bruit lointain, des cris confus, nous avertirent qu’il se passait quelque chose de nouveau du côté de Waldegg, où nous nous rendîmes avec précaution, armés de solides et longs gourdins et tenant nos chiens en laisse. Nous étions divisés en deux colonnes imposantes par le nombre : l’une, formée par Jack et moi, suivait la rizière ; l’autre, formée par Fritz et Ernest, obliquait à gauche et s’avançait plus lentement que nous, comme un corps de réserve et une arrière-garde. Les singes ne tardèrent pas à paraître. Ils descendirent des palmiers voisins de la ferme ; après s’être arrêtés avec méfiance, nous les vîmes prendre résolument leur parti : ils s’élancèrent dans la direction de nos appâts. Les uns se tenaient droits, les autres arpentaient le terrain à quatre pattes ; ceux-là faisaient culbutes, gambades, gesticulations bizarres, avec accompagnement de force grimaces ; ceux-ci coupaient le chemin à leurs compagnons, les renversaient et prenaient les devants. Enfin… ô moment désiré !… ils se ruèrent tous pêle-mêle comme des gloutons dans le labyrinthe inextricable de nos pieux, de nos cordes, de nos branches, et jusque sur le toit. Alors commença une des scènes les plus comiques et les plus tristes qu’on puisse imaginer. Les pillards trébuchaient à chaque instant, et plus ils faisaient d’efforts pour se débarrasser des cordes et des pieux, plus ils s’empêtraient dans la glu ; l’un avait une calebasse collée sur le dos ; l’autre un bâton qui, arraché à grand’peine de sa jambe, restait accroché à sa main avec une ténacité désespérante ; voulaient-ils se prêter un mutuel secours, ils s’arrachaient poil et cuir. Ils ne tardèrent point à se mordre entre eux avec fureur et désespoir. Les plus malheureux étaient ceux qui avaient touché aux rameaux épineux d’aca-