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le robinson suisse.

n’était du reste que là taille ordinaire à laquelle parviennent ces cétacés. Mon petit François était étonné de la grosseur prodigieuse de la tête, qui formait près d’un tiers du volume total, et de la petitesse du gosier, qui n’aurait guère permis l’introduction d’un corps plus gros que mon bras. Cela paraissait, en effet, d’autant plus singulier que la bouche était immense. Ernest me demanda comment un animal dont le gosier était si peu large avait, suivant la Bible, avalé le prophète Jonas. Je lui répondis que l’Écriture sainte ne dit point positivement que Jonas fut avalé par une baleine, et que parmi les cétacés il y en a dont l’organisation intérieure est fort différente de celle de la baleine, tels que le requin, etc. Les mâchoires étaient garnies, de chaque côté, de ces nombreux fanons servant de dents et qui sont d’un usage si fréquent chez les Européens. Je me promis bien de ne pas négliger cette source importante de richesses, et je confiai à Fritz et à Jack le soin de les dépouiller.

Les deux enfants montèrent donc sur le dos de la baleine, et, armés d’une hache et d’une scie, ils se mirent à abattre les fanons, que François et sa mère déposaient ensuite dans la pirogue. Nous en recueillîmes ainsi près de deux cents. Ernest et moi, pendant ce temps-là, enlevions de larges bandes de graisse sur le côté, et certes ce travail était fatigant, car nous n’avions rien moins que des masses de trois à quatre pieds d’épaisseur à découper.

Un grand nombre d’oiseaux vinrent nous déranger avec une audace incroyable ; après avoir plané quelques minutes au-dessus de nos têtes, ils se jetaient sur la baleine et arrachaient des morceaux de lard jusqu’entre nos mains. Par le conseil de ma femme, qui pensa que leurs plumes pouvaient nous être très-utiles, nous en abattîmes un certain nombre à coups de hache, et ils furent jetés au fond de notre bateau.

J’essayai ensuite de détacher sur le dos même de la baleine une large bande de peau que je comptais préparer pour en