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le robinson suisse.

faire des harnais destinés à l’âne et aux buffles. Cela me donna plus de mal que je ne l’avais cru, mais je réussis malgré l’épaisseur et la dureté du cuir. Si la journée n’eût pas été aussi avancée, j’aurais volontiers tenté de m’emparer aussi des tendons de la queue et d’une partie des intestins, mais cette besogne nous eût menés trop loin. Avant de donner le signal du départ je coupai un large morceau de langue, pour juger par nous-mêmes si Ernest ne se trompait pas en affirmant que ses lectures lui avaient appris que cette partie de l’animal était fort bonne à manger.

Nous reprîmes le chemin de Felsheim avec un butin plus utile que brillant. Notre huile exhalait, en effet, une odeur peu agréable. Aussi nous fîmes force de rames, et, dès notre arrivée, nous transportâmes, avec l’aide de l’âne et des buffles, notre chargement dans l’intérieur de l’habitation.

Le lendemain matin, au lever du soleil, nous nous mîmes de nouveau en mer ; mais je laissai ma femme et François dans la grotte, ne voulant pas les faire participer au dégoûtant travail que je comptais entreprendre : j’avais l’intention d’entrer dans le ventre même de la baleine pour couper les longs et forts boyaux dont nous pourrions tirer beaucoup d’avantages.

Une brise légère nous porta rapidement à l’îlot ; la place était déjà occupée par une nuée d’oiseaux voraces qui, malgré la toile dont nous avions recouvert les parties entamées du cadavre, enlevaient d’énormes morceaux de chair. La hache ne suffisant pas pour les effrayer, nous tirâmes quelques coups de fusil qui nous débarrassèrent de ces compagnons incommodes.

Avant de commencer, nous eûmes soin de quitter nos vestes et nos chemises ; puis nous pénétrâmes hardiment dans le ventre de l’animal ; je fis un choix parmi les boyaux les plus forts, les faisant couper par morceaux de six à dix pieds de long. Jack trouvait que nous en aurions pu faire de gigantesques saucissons. « J’aime mieux, répondis-je, en faire