nous avions fait la, notre projet étant d’agrandir nos constructions et de bâtir une nouvelle ferme. Ne comptant nous y arrêter que quelques heures pour diner, je fis tendre une toile au-dessus de notre cabane, pour nous préserver, pendant le repas, de la chaleur du soleil ; et, tandis que ma femme et Ernest restaient à s’occuper de la cuisine, j’allai avec mes autres enfants dans le champ de cannes à sucre y chercher les traces du boa. Nous ne découvrîmes heureusement aucune trace de cet horrible ennemi, et nous passâmes le temps à sucer quelques cannes fraîchement cueillies. C’était un régal dont nous avions été privés depuis plusieurs semaines et qui nous parut, pour cette raison, d’autant plus agréable. Pendant ce temps, les chiens, qui couraient dans la plantation, firent lever une troupe d’animaux dont nous entendîmes distinctement la marche ; nous sortîmes précipitamment du champ pour juger à quel gibier nous avions affaire, moi d’un côté, mes enfants d’un autre.
À peine arrivé sur la lisière, je vis déboucher une troupe de cochons de moyenne grandeur, qui fuyaient rapidement devant nos chiens. À leur couleur grise, et surtout à l’ensemble étonnant qui présidait dans leurs mouvements, je reconnus une espèce sauvage, et aussitôt je fis feu de mes deux coups de fusil. Chaque coup porta, et deux victimes tombèrent. Mais le bruit de l’explosion et cette double mort n’occasionnèrent aucun trouble dans l’ordre de marche du troupeau. Les cochons continuèrent à s’avancer à la file les uns des autres, sans jamais se dépasser mutuellement, avec une régularité de mouvements qui eût pu servir de modèle à un bataillon de soldats.
En ce moment, une décharge générale de la part de mes enfants vint jeter à bas quelques nouveaux fuyards, mais la troupe continua sa marche dans le même ordre, chacun se poussant pour remplir la place des tués, de manière que la colonne fut formée comme auparavant. Ces diverses cir-