— Non, papa, répondit-il. Fritz ne pas voulu. Il a craint que ce ne fût le fruit du mancenillier ou de quelque autre espèce vénéneuse.
— Frite a très bien fait, et je ne saurais trop louer sa prudence. Toutefois, mes enfants, il est facile de reconnaître que ce n’est point là une pomme de mancenillier. Le fruit de cet arbre dangereux a, en effet, la peau unie et un noyau au milieu. Ici, au contraire, la peau est rugueuse, et, ajoutai-je, en partageant la pomme que je tenais à la main par la moitié, vous voyez qu’à l’intérieur se trouvent des pépins. »
Pendant ma démonstration, maître Knips s’était approché de la table sans que j’y fisse attention, et l’adroite bête me saisit une des moitiés du fruit que je tenais à la main, et se mit immédiatement à le mordre à pleines dents, en paraissant y trouver un plaisir très-vif. Ce fut le signal général. Tous mes enfants se précipitèrent sur les pommes de Jack ; c’est à peine si je pus en sauver deux pour ma femme et moi.
Chacun déclara que c’était un fruit d’un excellent goût, et, comme on me demandait mon avis sur ce que ce pourrait bien être, je répondis que je croyais que nous avions là la pomme cannelle, production des Antilles. « Sur quel arbre, dis-je en me retournant vers Jack, l’as-tu donc trouvée ? » Mais le pauvre enfant était fort peu à ce que je disais ; il bâillait à se détendre les mâchoires. Je me rappelai alors que nous avions tous bien employé la journée et que nous méritions de prendre du repos. Couchés sur les balles de coton que ma femme avait disposées commodément, nous goûtâmes tous, jusqu’au lever du soleil, un sommeil paisible.
Le lendemain matin, après avoir eu quelque peine à nous arracher à la mollesse de notre couche, nous reprîmes notre marche vers la plantation de cannes à sucre. Nous avions laissé dans le voisinage une hutte construite avec des branchages ; c’était un commencement d’établissement que