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le robinson suisse.

beaucoup trop long ; et puis, comment vous défendriez-vous, en cas de péril ? Restez donc ici. Bill vous gardera et Turc viendra avec nous. »

Jack offrit de bon cœur son homard tout entier à Fritz, quoique Ernest lui fît observer judicieusement que nous aurions sans doute la chance de trouver en route des noix de coco, comme Robinson dans son île.

Fritz apprêta nos armes et garnit nos gibecières de provisions convenables ; quand il vit son fusil brisé la veille par lui dans un mouvement d’aveugle colère, il ne put s’empêcher de rougir et me demanda d’une voix timide à en prendre un autre, ce que je lui accordai ; je lui donnai en plus une paire de pistolets de poche, en gardant une autre paire pour moi et une hache que je passai par le manche à ma ceinture de matelot.

Ma femme nous avertit que le déjeuner était prêt. Le homard, arrangé avec de l’eau et du sel, nous parut coriace et d’un goût peu agréable ; nous en réservâmes quelques morceaux pour notre voyage avec du biscuit et une bouteille d’eau fraîche.

Fritz était impatient de partir avant que la chaleur devînt trop forte. « Il nous reste une chose très-importante à faire, lui dis-je.

— Quoi donc, mon père ? prendre congé de ma mère et de mes frères ?

— Ce n’est point cela seulement, s’écria Ernest ; je devine bien : nous n’avons point encore récité nos prières.

— C’est cela même, répliquai-je : nous nous occupons bien des soins et de la nourriture de notre corps, et nous oublions notre âme. »

Alors Jack se mit à faire le sonneur de cloches en criant : Bom, bom, bidibom, bidibom. Je le blâmai vivement de cette bouffonnerie inconvenante et lui ordonnai de s’éloigner, parce que je ne le trouvais pas digne d’unir ses prières aux nôtres. Alors il s’agenouilla et dit d’une voix émue qu’il de-