Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/330

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cher à une petite distance, comme pour nous inviter, par son chant, à le suivre, ou, pensais-je, dans l’intention de se moquer de nous. François croyait déjà que c’était quelque prince enchanté qu’une méchante fée retenait captif sous l’enveloppe d’un oiseau, et qui nous demandait de le délivrer par les paroles ou les opérations cabalistiques inscrites au grand livre du destin. Moi, je riais de cette crédulité trop superstitieuse, et j’allais détruire l’enchantement par un coup de fusil, quand Fritz m’arrêta en me faisant remarquer que mon fusil à balle manquerait probablement son but, et que, d’ailleurs, il y avait de la cruauté à abattre ce petit oiseau, qui ressemblait à nos coucous européens. — C’est, sans doute, ajouta-t-il, le coucou indicateur ; suivons-le pendant quelque temps, et voyons où il nous conduira.

« Son avis, plus sage que le mien, je l’avoue, prévalut à l’unanimité. Nous nous laissâmes donc conduire par notre guide ailé, et, après une dizaine de minutes, nous le vîmes s’arrêter, et il cessa son chant. En cet endroit même était un nid d’abeilles creusé dans la terre. Toutes les abeilles voltigeaient et bourdonnaient alentour, absolument comme dans nos ruches d’Europe. Grand conseil de guerre alors pour savoir comment nous pourrions nous emparer de leur miel. François allégua qu’ayant déjà servi de bouc émissaire lors d’une découverte semblable à Falkenhorst, il devait être dispensé de prendre l’initiative. Fritz se retrancha derrière son titre de général en chef, disant qu’il devait se bornera diriger l’opération. Il fallait donc bien que je me dévouasse pour l’intérêt commun, et, d’après les conseils de mon frère, je m’apprêtai à allumer à l’entrée du nid un brasier de soufre, dans le but d’étouffer les abeilles. Mais à peine eus-je mis le feu à la mèche, que l’essaim tout entier sortit en bourdonnant, se précipita sur moi, me poursuivit, me piqua de tous côtés. Les abeilles qui revenaient se joignirent aux autres ; elles pénétrèrent partout, m’enfonçant leur maudit aiguillon sur le nez, sur le front, sur les joues. Je n’eus que le temps de courir