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le robinson suisse.

à mon buffle et de chercher mon salut dans la fuite. Mais, hélas ! j’emportai avec moi les traits aigus de mes ennemis, et bientôt ma tête fut dans l’état où vous la voyez.

— Tu as agi avec trop d’imprudence, repris-je ; mais, au moins, tu as montré du courage. Allons, quelques bains d’eau salée feront disparaître les traces de tes blessures. »

Pendant ce récit de mes fils, nous avions achevé le souper, et l’intérêt que nous prenions à leur narration ne nous absorba pas au point de ne pas remarquer que la patte d’ours était réellement un mets fort délicat et digne en tout point de sa réputation. Avant d’aller nous coucher, je songeai à donner un peu plus de liberté à nos antilopes. C’étaient vraiment deux charmantes bêtes, hautes d’un pied tout au plus ; le mâle a de petites cornes noires et luisantes comme l’ébène, et des pattes d’une finesse extrême. Nous construisîmes à la hâte une sorte de cage en jonc couverte en toile, garnie de duvet, et, pour que les gazelles y fussent plus commodément, je passai une perche aux deux anses de la cage, en sorte qu’elles restaient ainsi suspendues comme dans un hamac. Je comptais les délivrer, non pas à Felsheim, d’où elles auraient pu s’échapper peut-être, mais à l’île du Requin, où elles devaient être plus en liberté et où j’espérais qu’elles se propageraient bientôt.

Le soir était venu ; il était temps de chercher dans le sommeil un repos aux fatigues et aux inquiétudes. Je fis alimenter notre feu, qui servait à la fois à fumer la viande de nos ours et à écarter les bêtes féroces ; on prépara les torches au cas où il viendrait à s’éteindre, puis, après la prière, nous nous endormîmes tous.

Le lendemain, dès que le jour parut, je réveillai toute ma famille. Il s’agissait de déployer de l’activité, car nous avions bien des choses à terminer avant de retourner à notre quartier général de Felsheim, et je ne voulais pas être surpris par la mauvaise saison dans notre petite cabane ou sous la tente, dont l’abri nous aurait bien mal défendus contre