Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/343

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
315
le robinson suisse.

deux heures le matin et deux heures le soir. Pendant l’intervalle, nous nous occupions de l’éducation de l’autruche. Je me servis du procédé déjà employé pour l’aigle de Fritz. Je l’étourdissais par la fumée de tabac jusqu’au point de la faire tomber. Tous les jours, nous allongions un peu la corde, afin qu’elle pût se promener plus librement, se coucher, se relever, tourner autour des colonnes qui la retenaient ; nous avions placé, de plus, quelques provisions à sa portée, des courges, des herbages, ce que nous supposions flatter davantage sa gourmandise. J’avais même mis près d’elle un petit tas de gravier, ayant lu que l’autruche en avalait toujours un peu, sans doute pour faciliter la digestion.

Pendant près de trois jours nos soins furent inutiles. L’autruche refusa toute nourriture et ne toucha pas aux provisions placées près d’elle. Ses forces diminuaient sensiblement, et nous craignions de la voir mourir, lorsque ma femme proposa de lui faire avaler de force des boulettes de pain et de beurre. Au commencement, nous fûmes obligés d’employer la violence et de profiter des moments où la fumée de tabac l’avait engourdie, pour lui faire prendre ainsi quelques boulettes ; mais bientôt elle fit moins de difficultés, puis elle sembla s’habituer à ce mode de nourriture. Les forces lui revinrent, et avec les forces l’appétit, en sorte que, bien loin d’être obligés de la presser pour manger, nous eûmes désormais à nous inquiéter pour pourvoir à sa faim continuelle.

La voyant assez forte, nous lui fîmes faire quelques promenades ; et, peu à peu, nous l’accoutumâmes à l’obéissance : elle apprit à se lever, à se coucher, à se tourner d’un côté ou d’un autre, à marcher au pas, au trot ou au galop, suivant le commandement de son conducteur. D’abord, nous fûmes plusieurs fois obligés, pour triompher de sa résistance, de lui envelopper la tête d’un voile ou de l’engourdir par le tabac ; elle devint plus docile et ne nous donna plus qu’à de longs intervalles l’occasion de recourir à ces moyens extrêmes. Une friandise ou un coup de fouet suffisait d’or-