je recommandai les deux plus jeunes à Fritz, et je remarquai au moment du départ, entre Ernest et ses frères, des signes d’intelligence qui me convainquirent de plus en plus qu’on me préparait une surprise quelconque. Cependant la petite caravane était en selle, elle nous fit un dernier salut et partit au trot avec un air de satisfaction et de plaisir qui témoignait assez du goût de mes enfants pour la liberté.
Je ne veux pas m’appesantir sur les détails de fabrication de mon moulin à pressoir, qui différait peu, d’ailleurs, des modèles ordinaires. Il suffira de faire savoir qu’il se composait de trois cylindres verticaux tournant au moyen d’une manivelle mise en mouvement par les chiens ou l’un des jeunes buffles. Malgré l’aide d’Ernest et même de ma femme, ce travail nous occupa plusieurs jours.
Pendant ce temps, que faisaient nos jeunes chasseurs ? Je vais placer ici le récit de leur excursion, bien que je n’en aie connu tous les détails que plus tard. Après avoir passé le pont de la Famille, ils se dirigèrent vers Waldegg, ou ils comptaient rester la journée entière, même le lendemain. Mais, en approchant de la métairie, ils entendirent un rire aigu et strident qui semblait poussé par une voix humaine. Au même moment, toutes les montures montrèrent les indices les moins équivoques d’une vive frayeur. Les chiens, au lieu de donner franchement de la voix, grognaient sourdement en se rapprochant de leurs maîtres. L’autruche de Jack emporta son cavalier sans que celui-ci pût la retenir, et Fritz et François, de leur côté, avaient toutes les peines du monde à contenir les buffles, qui voulaient retourner vers leur habitation.
« Tout ceci, dit alors mon aîné à son frère, me semble louche ; il faut savoir à quoi s’en tenir. À en juger par l’agitation des chiens et des buffles, je crains qu’il n’y ait dans les environs quelque bête féroce de la nature d’un lion ou d’un tigre. Descendons pour nous en assurer. »
Les deux cavaliers mirent pied à terre, et Fritz ajouta :