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le robinson suisse.

moi. — Regarde ; seulement gare à ta tête ! »

Je pris des pierres, que je lançai contre les singes plutôt pour les mettre en colère que pour les blesser : à peine pouvais-je atteindre à la moitié de la hauteur des palmiers sur lesquels ils étaient. Cependant ils entrèrent en fureur et résolurent de nous rendre la pareille. Les voilà donc qui arrachent des noix et nous les jettent. Nous étions heureusement bien cachés. Nous eûmes bientôt autour de nous une grande quantité de noix dont nous bûmes le lait et que nous ouvrîmes ensuite avec la hache. Ce lait ne nous sembla pas d’un goût très-agréable, mais nous désaltéra. La crème qui s’attache intérieurement à la coque nous parut bien meilleure, surtout mêlée au jus de nos cannes. Maître Turc ne pouvait guère aimer ces friandises : il eut, pour sa part, le reste du homard et un morceau de biscuit un peu dur ; il acheva d’apaiser sa faim en broyant quelques débris de cannes et de noix de coco.

La journée s’avançait. Je pris quelques cocos intacts et les liai par les queues ; Fritz ramassa ses cannes et nous partîmes pour regagner notre habitation.

Fritz ne tarda pas à se plaindre de la pesanteur de son fardeau, qu’il mettait tantôt sur une épaule, tantôt sur une autre, tantôt sous le bras droit, tantôt sous le bras gauche ; puis il s’arrêtait et poussait de profonds soupirs. « Non, s’écria-t-il enfin, je n’aurais jamais pensé qu’une douzaine de cannes à sucre fût si lourde à porter ; je laisserais là le paquet si je ne désirais pas tant faire goûter de ce jus délicieux à ma mère et à mes frères.

— Patience et courage, mon enfant, lui dis-je ; souviens-toi du panier de pains que portait Ésope : c’était d’abord un fardeau fort lourd et qui devint petit à petit plus léger ; il en arrivera de même pour tes cannes : nous en sucerons plus d’une durant la route qui nous reste à faire. Donne-m’en d’abord une pour me servir de soutien, mets-en une à ta main, et attache les autres en sautoir sur ton dos avec ton