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le robinson suisse.

de détresse furent alors remplacés par ceux de : Victoire ! victoire !

Il va sans dire que moi aussi je me dirigeai le plus promptement possible vers la scène du combat. Au bout de deux minutes, j’aperçus entre les arbres Jack, qui s’avançait en boitant, soutenu par Ernest et Fritz. Quand ils furent près de moi, Jack, s’étant arrêté, commença à se tâter tous les membres en gémissant et en pleurnichant. De temps en temps il s’écriait : « J’ai mal ici, et ici, et ici ; je suis moulu comme un grain de poivre. »

Je me hâtai de le déshabiller pour l’examiner ; mais j’eus beau le regarder et presser tous les endroits, je ne trouvai rien de cassé ni de démis. Il respirait librement, et je ne vis rien d’extraordinaire sur son corps, si ce n’est trois ou quatre taches bleues, suite de coups ou de foulures. Aussi, quand je reconnus ce qu’il en était, je ne pus m’empêcher de lui dire : « Est-il permis à un héros en herbe de se livrer à des plaintes si vives, de soupirer et de pleurer pour si peu de chose !

jack. — Vous appelez cela peu de chose ! J’ai été moulu, foulé aux pieds, presque écrasé. Cet animal m’a, pour ainsi dire, tiré l’âme du corps. Il s’en est fallu de peu qu’il ne m’ait éventré, et alors adieu le héros en herbe. Heureusement les braves chiens et le pistolet de Fritz ont traité le monstre comme il le méritait.

moi. — Dis-moi donc quel est le monstre qui t’a si cruellement moulu ; je n’en ai encore aucune idée.

jack. — Quant à toi, Fritz, n’oublie pas de me garder la tête de cette horrible bête !… Oh ! mon genou !… Oh ! ciel ! ma jambe ! il faut la couper tout de suite !… Ah ! mon dos !… Nous en souperons ce soir et nous en déjeunerons demain ; il y aura assez pour deux repas.

moi. — Encore ! Est-ce le délire de la fièvre qui le fait parler ainsi ? Tu veux qu’on te coupe la jambe et que nous mangions ton dos pour notre souper !