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le robinson suisse.

jack. — Non ! non ! Mais je veux que la tête et les défenses soient conservées dans notre musée. Elles m’ont fait une belle frayeur, ces dents-là !

moi. — Saurai-je enfin, étourdis que vous êtes, de quel animal il s’agit ?

ernest. — C’est d’un horrible sanglier d’Afrique que nous parlons. Il était effrayant à voir avec les peaux qui lui pendaient sous les yeux et sur les tempes, avec ses défenses longues de près d’un pied, avec son large groin, qui remuait la terre comme le soc d’une charrue et y creusait de véritables sillons.

moi. — Rendons grâce à Dieu de ce que nous avons échappé à un si grand danger, et occupons-nous maintenant du pauvre patient. Quoiqu’il ne soit pas blessé, la frayeur pourrait avoir pour lui des suites fâcheuses que nous devons prévenir. »

En achevant ces mots, je donnai au petit chasseur un verre de vin de Canarie de notre propre fabrique, je lavai ses membres meurtris avec ce même vin ; après quoi je le portai dans la chaloupe, où il s’endormit si promptement, que je n’eus plus aucune inquiétude sur son compte. Cela fait, je dis à Ernest de me raconter ce qui s’était passé, et voici un abrégé du récit qu’il me fit :

« J’étais entré le premier avec Falb dans le bois, quand celui-ci me quitta tout à coup, en aboyant avec force, pour poursuivre un grand animal qui s’approchait par le taillis, et qui s’arrêta près d’un gros arbre pour y aiguiser ses défenses. Sur ces entrefaites, Jack était arrivé aussi, et son chacal s’était joint à Falb pour attaquer le sanglier. De mon côté, je m’approchai avec précaution derrière les arbres, épiant le moment favorable pour lui tirer mon coup de fusil. Le chacal, trop prompt dans son attaque, reçut de l’animal un coup de pied qui lui fit jeter les hauts cris, et qui mit Jack dans une si grande fureur, que, sans bien mesurer la distance, il tira sur le sanglier, qui ne fut que légèrement effleuré par la balle, et qui, comme il fallait s’y attendre,