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le robinson suisse.

tourna toute sa colère contre son nouvel assaillant. Jack, suivant sa louable habitude, se sauva à toutes jambes. Je crus devoir alors tirer sur le monstre, mais la blessure que je lui fis ne fut pas mortelle et augmenta seulement sa rage. Cependant, comme notre Jack sait courir aussi vite qu’un Hottentot, il aurait sans doute échappé s’il n’avait pas heurté du pied contre une racine d’arbre. Il tomba, et je le crus perdu ; mais le chien et le chacal attaquèrent si vigoureusement le sanglier par derrière, que celui-ci eut besoin de toutes ses forces et de toute son adresse pour se défendre contre eux, et tout ce qu’il put faire à Jack fut de le fouler et de le meurtrir avec ses pattes et ses genoux. Dans l’intervalle, j’avais rechargé mon fusil ; Bill arriva avec Braun en même temps que l’aigle de Fritz fondit du haut des airs sur notre ennemi. Assailli de tous côtés, il se laissa approcher par Fritz, qui lui déchargea son pistolet à bout portant dans la tête ; c’est là, mon père, le troisième coup de feu que vous avez entendu.

Quand j’arrivai sur la place, tout était fini. Jack se releva en pleurant ; Fritz et moi le prîmes sous le bras, et, ayant jeté un regard en arrière, je vis avec étonnement le singe et le chacal qui semblaient se disposer à partager entre eux les restes du sanglier. Cependant, m’étant rapproché, je reconnus que c’était une espèce de navets qu’ils se disputaient, et j’eus de la peine à leur en arracher une demi-douzaine que je vous rapporte dans ma gibecière. À en juger par l’odeur, ils ne valent pas grand’chose, car je la trouve forte et désagréable. »

Pendant que nous nous entretenions de la sorte, le soleil avait disparu, et la nuit nous avertit qu’il était temps de songer au souper et au repos. Nous aurions bien désiré avoir nos chiens, mais ils étaient restés auprès du sanglier, et il était trop tard pour les aller chercher. Nous allumâmes, selon notre usage, le feu de bivac, et, après avoir pris quelques aliments froids, nous allâmes nous coucher dans notre cha-