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le robinson suisse.

tous ensemble sur notre grande pinasse et à nous rendre en cérémonie auprès du yacht, à l’équipage duquel nous ne dirions point que nous l’avions déjà vu. En attendant, je ne saurais peindre toute l’agitation que causa parmi nous cet événement, surtout quand on vint à considérer sous toutes leurs faces les résultats probables qu’il pourrait avoir. Déjà nos enfants croyaient que nous allions nous embarquer tous pour retourner en Europe. Quant à moi, en ma qualité de patriarche, j’avais bien de la peine à prendre une résolution sur le parti qu’il fallait suivre, et je ne savais jusqu’à quel point il serait prudent, de ma part, de ramener ma petite colonie soit en Europe, soit dans quelque grande possession européenne. Je finis cependant par me dire qu’il était absurde de me tourmenter ainsi avant d’avoir visité le bâtiment inconnu.

La journée suivante se passa tout entière dans les travaux de gréement de notre pinasse, dans l’arrangement de nos habits et de nos armes, et dans le choix des fruits et des légumes que nous voulions emporter avec nous pour les offrir au capitaine. Ce ne fut même que le surlendemain que nous pûmes nous mettre en route, toujours précédés de Fritz dans son caïak, qui nous servait de pilote, mais qui, pour cette occasion extraordinaire, avait endossé le costume d’un officier de marine.

Ce fut ainsi que nous entreprîmes une expédition bien importante pour notre avenir, et de laquelle allait dépendre, selon toute apparence, notre réunion définitive avec nos semblables, ou la douleur d’une espérance perdue peut-être pour jamais.

Aussi éprouvai-je un grand serrement de cœur quand, après avoir doublé le dernier promontoire, je vis de nouveau le yacht anglais. Fritz était monté sur notre bord, et toute ma famille tenait les yeux fixement attachés sur le navire étranger. Je fis sur-le-champ hisser le pavillon anglais, et je plaçai ma pinasse de façon à pouvoir facilement, selon l’oc-