tempête qui nous avait retenus deux jours chez nous lui avait fait courir les plus grands dangers et l’avait forcé à entreprendre de grandes réparations à son navire, avant de pouvoir pousser plus loin ses investigations. D’ailleurs, plusieurs hommes de son équipage étaient malades, et, entre autres, un mécanicien fort habile qui s’était embarqué sur son yacht, comme passager, avec sa femme et ses deux filles, et qui avait absolument besoin de l’air de la terre pour se rétablir.
Quand le capitaine eut achevé son récit, je l’invitai à venir à son tour à bord de ma pinasse, ce qu’il accepta très-volontiers. Je ne décrirai point sa visite ni sa présentation à ma femme et à miss Jenny ; il suffira de remarquer que la plus douce familiarité ne tarda pas à régner entre nous, et que nous prîmes la résolution de passer la soirée dans la baie, où le capitaine Littlestone fit dresser trois nouvelles tentes pour notre usage. Là nous fîmes connaissance avec le mécanicien, M. Wolston, et son aimable famille, qui se composait de sa femme et de deux filles dont l’une était âgée de quatorze ans et l’autre de douze ans. Miss Jenny surtout fut enchantée de voir ces deux jeunes personnes, pour qui, dès la première vue, elle sentit une amitié de sœur.
Je passai la nuit à me consulter avec ma femme sur les projets que nous devions former pour l’avenir. À la vérité, le capitaine ne nous avait fait encore aucune proposition, et nous ne savions pas s’il serait le moins du monde disposé à nous emmener avec lui, quand même nous le désirerions ; toutefois nous croyions devoir préparer d’avance la réponse que nous lui ferions si le cas se présentait. De part et d’autre, nous éprouvions des sentiments secrets que nous ne savions comment exprimer. Que l’on juge, d’après cela, quelle fut ma joie lorsque je découvris que ma fidèle compagne formait en secret les mêmes vœux que moi ! À quoi bon retourner dans notre patrie, que nous avions volontairement quittée tant d’années auparavant ? Pourquoi ne pas finir nos jours