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le robinson suisse.

où la Providence semble nous avoir conduits à dessein ? Ici, nous pouvons nous rendre assez vite sur notre navire ; les rochers qui nous environnent nous défendent contre les attaques imprévues des bêtes féroces.

— Permets-moi une observation, me dit ma femme : cette barrière de rochers n’a point été infranchissable aux chacals, arrêtera-t-elle les tigres et les autres bêtes féroces ? Quant aux richesses du navire, j’avoue franchement que, selon moi, nous sommes maintenant assez riches ; puisse la mer engloutir bientôt le bâtiment, où je ne te vois jamais aller sans ressentir une mortelle frayeur ! Tu n’as pas encore pu éprouver par toi-même combien la chaleur fait souffrir, parce que tu es toujours en course ; mais je t’assure que sous la tente aussi bien que dehors nous étouffons.

— Eh bien, répliquai-je, venons-en à un arrangement qui nous contentera tous deux : nous établirons notre demeure dans tes arbres si vantés, et nous laisserons notre magasin de vivres et nos autres provisions dans ces rochers, où nous pourrons nous retirer en cas de pressant danger ; si je le juge plus tard nécessaire, je ferai sauter quelques gros blocs de pierre avec de la poudre, et nous nous enfermerons si bien, qu’un chat ne parviendra pas jusqu’à nous sans notre permission. Avant tout il faut établir un pont sur le ruisseau pour pouvoir le traverser avec une partie de nos bagages.

— Un pont ! s’écria ma femme, c’est bien long à construire. Pourquoi ne pas traverser la rivière comme nous l’avons déjà fait ? L’âne et la vache porteraient sur leur dos les choses les plus nécessaires.

— Et si les bêtes ne peuvent passer à gué, nos provisions sont perdues ! D’ailleurs, il faut leur faire des espèces de corbeilles ou de bâts ; pendant que tu t’occuperas de cela, mon fils et moi nous travaillerons au pont, qui nous sera toujours utile, surtout si, plus tard, le ruisseau venait à grossir. »