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Page:Johann David Wyss - Le Robinson suisse (1861).djvu/68

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le robinson suisse.

Ma femme se rangea de mon avis et me fit promettre de laisser dans les rochers la plus grande partie de nos provisions de poudre dont le voisinage l’inquiétait, à cause de l’étourderie et de l’imprudence des enfants. Après nous être ainsi concertés, nous réveillâmes nos enfants et leur communiquâmes notre plan, qui leur plut à tous : ils auraient voulu s’établir le jour même dans le bois qu’ils nommaient déjà la terre promise. Après la prière chacun eut à déjeuner. Fritz n’oublia pas son singe, qu’il mit sous la chèvre. L’animal grimacier suça avidement le pis de sa nourrice improvisée. Jack se glissa du côté de la vache, et, ne pouvant la traire, il se coucha, sans plus de façon, sous le ventre de la bête et la téta. Sa mère, l’ayant vu, l’appela, par moquerie, petit veau, mots auxquels il fut très-sensible.

En compagnie de Fritz et d’Ernest je m’embarquai pour me rendre au navire, où je voulais prendre des poutres et des planches nécessaires à la construction du pont ; mais, en arrivant près d’un îlot situé non loin du courant dont j’ai déjà parlé, nous vîmes une quantité innombrable de mouettes et d’autres oiseaux de mer qui nous étourdirent de leurs cris discordants ; quand nous abordâmes la côte, Fritz s’écria : « C’est mon requin qu’ils sont en train de dévorer. »

Il avait raison ; et bientôt nous reconnûmes les blessures encore sanglantes qu’il lui avait faites avec les balles de son fusil. Nous éloignâmes les mouettes afin de découper quelques morceaux de la peau dure et écailleuse du monstre : cette peau pouvait, dans l’occasion, remplacer la lime. Sur la côte je trouvai des planches et des poutres de toutes formes et de toutes dimensions, provenant, sans doute, de bâtiments naufragés. Nous en liâmes plusieurs des meilleures, et, dispensés pour cette fois d’aller au navire, nous fîmes voile vers notre rivage, où nous mîmes pied à terre après quatre heures d’absence. Les nôtres n’étaient point là pour nous recevoir, mais ils ne tardèrent point à paraître. Mes deux plus jeunes fils tenaient à la main quelque chose