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le robinson suisse.

« Les colons accueillirent avec joie les paroles du roi, et on leva l’ancre ; la traversée fut heureuse.

« Nos colons furent débarqués sains et saufs, et chacun reçut la portion de terrain qui lui était destinée, avec des graines, des semences de toutes sortes, et des rameaux d’arbres à fruits.

« Qu’arriva-t-il bientôt ? Malgré les avertissements et les conseils des messagers du grand monarque, restés sous des formes invisibles à Erdheim au milieu des colons, ceux-ci, pour la plupart, n’en voulurent faire qu’à leur tête. L’un préférait, à une forte culture, à de bons fruits, à de belles moissons, des fleurs aux brillantes couleurs, aux parfums enivrants, mais sans utilité ; l’autre ne voulait pas même se donner la peine de distinguer le bon grain du mauvais ; l’autre laissait passer la saison des semailles ; l’autre oubliait le temps de la moisson ; les plus coupables, enfin, disaient qu’ils ne connaissaient point de grand roi et qu’ils n’avaient à exécuter les ordres de personne.

« Un très-petit nombre obéirent avec fidélité aux commandements du puissant monarque et vécurent dans l’espérance de mériter les récompenses qui leur étaient réservées à Himmelsbourg.

« Le grand roi envoyait de temps à autre, à l’île, des frégates portant le nom de certaines maladies ; avec ces frégates, allait de conserve un gros vaisseau de ligne nommé le Grab[1] monté par l’amiral Tod[2], et qui portait un pavillon, vert d’un côté, noir de l’autre. Tantôt les colons pouvaient voir la couleur verte, tantôt la noire, suivant les disposions où ils se trouvaient : l’une représentait l’espérance, l’autre le désespoir.

« La flotte arrivait toujours à l’improviste, et son apparition causait de la tristesse à la plupart des habitants d’Erd-

  1. Le tombeau.
  2. La mort.