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Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/137

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core. Il y avait peut-être bien dans tout cela un peu de l’ironeia socratique, comme lorsqu’il me demandait de lui indiquer les théories de Platon sur l’organisation sociale et de lui dire dans lequel de ses ouvrages on les trouve.

Il n’était pas seulement, dans les rapports journaliers, le plus courtois et le plus affectueux des amis, mais il avait les manières les plus séduisantes et les plus impressionnantes si je le compare à tous ceux que j’ai connus. Il m’a été donné de converser avec Carlyle et Tennyson, avec Victor Hugo et Mazzini, avec Garibaldi et Gambetta, avec John Bright et Robert Browning, et aucun d’eux ne m’a donné une impression aussi vive d’intense personnalité unie à cette mystérieuse lueur du génie qui semblait jaillir spontanément du cœur et du cerveau. C’est une énigme psychologique qu’un homme qui pouvait écrire avec une passion et un emportement méprisant auxquels Carlyle et Byron n’ont pas atteint, qui, dans ses livres, nous apparaît si souvent comme un Athanasius contra mundum, qui commencait presque toutes ses sentences écrites par un « je sais », fut, dans la vie privée, le plus doux, le plus gai et le plus modeste des hommes.

Je serais disposé à croire que cette violence et cette arrogance qui lui furent imputées venaient d’une sorte de fièvre, d’un œstrus littéraire qu’il n’essaya pas de dominer. Il s’abandonnait à ses