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Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/138

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impulsives, comme aucun écrivain, depuis Burke, ne l’avait fait. Un langage passionné était pour Ruskin une sorte d’intoxication littéraire plus qu’une défectuosité morale ; il a chèrement payé son impuissance à se surmonter et, pour paraphraser une épigramme absurde sur la conversation et les écrits d’Olivier Goldsmith, on pourrait dire de Ruskin qu’il parlait comme un ange, mais qu’il écrivait comme s’il avait été un des Grands Prophètes.

Les relations de John Ruskin avec ses parents restent un des plus beaux souvenirs de ma vie. Les dominant de toute la hauteur de son génie, incompris d’eux, qui ne purent jamais sympathiser avec sa seconde manière, celle qui date d’Unto this Last, il eut toujours pour eux la déférence la plus affectueuse. Il se soumit sans murmure à la règle étroite de la maison, qui allait jusqu’à recouvrir ses chers Turner d’un voile épais, le jour du Sabbath. Cet homme, alors dans toute la maturité de son âge, auréole de la gloire de ses principaux ouvrages, qui, depuis des années, était une des principales forces de la littérature du siècle, continuait à montrer une docilité d’enfant vis-à-vis de son père et de sa mère, acceptant leurs plaintes et leurs remontrances, se soumettant gracieusement à leur sagesse selon le monde et à leur expérience plus vieille. John James Ruskin, le père, était un homme d’une rare force