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Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/154

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avec tant de difficultés le mal et son remède « que la moité de leurs efforts se trompe de but et que quelques-uns font même plus de mal que de bien ». Voilà tout le portrait de ce philanthrope si tendre, mais quelque peu hystérique, qui savait écrire des choses si vraies, si tristes et si sages !

Et maintenant si nous nous reportons, après quarante ans écoulés, à ces utopies sociales qui soulevèrent tant de colères et furent si ridiculisées, nous remarquons, non sans étonnement, combien toutes ces idées nous sont devenues familières. « Nous sommes tous des socialistes maintenant », a dit un homme politique éminent. Quoique Ruskin ne soit pas un socialiste — mais plutôt un réactionnaire du Moyen Age ou un aristocrate absolutiste (s’il faut lui chercher une étiquette) — il y a dans toutes ses théories sociales cet élément de l’ascendance de l’Etat ou de la Société sur l’individu, de la prééminence des buts moraux sur les buts matériels et pratiques, de la nécessité d’une organisation du travail et d’un contrôle moral et spirituel sur l’étroit intérêt individuel, toutes choses qui sont le fondement même et l’essence du socialisme. L’idéal de Ruskin est une Sociocratie dans le sens de Comte et, avec Comte, il rejette la Démocratie pure et l’Égalité abstraite et s’en tient à ces institutions vieilles comme le monde : la Propriété, le Gouvernement et l’Église.