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Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/216

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part d’un homme qui se tenait en dehors de toute confession, qui n’avait pas de disciples de sa foi et qui repoussait tout dogme, toute formule et toute communion.

La fin de tout ceci ne pouvait être qu’infiniment triste. « Que suis-je donc, dit-il en 1875 (Fors, Lettre LVIII), infirme et vieux, pour prétendre conduire le monde ? Moi qui n’ai trouvé personne en Angleterre et en Europe qui voulût de mon enseignement ! Tel que je suis et, autant que je puis concevoir, à mon grand étonnement, je me vois seul et solitaire, seul dans ma foi, mon espérance et ma résolution au milieu de ce désert du monde moderne. J’ai été élevé dans le luxe et je sens combien cela était injuste pour les autres et funeste pour moi-même ; j’ai été vacillant, stupide et j’ai misérablement échoué dans la conduite de ma vie ; j’ai été comme une feuille désespérément poussée par l’orage des passions ; et pourtant, moi l’homme bien mis, moi, le roseau sans cesse agité par le vent, j’ai un message à remplir vis-à-vis de ceux qui ont encore confiance en moi. Regardez la cognée est à la racine de l’arbre tout arbre stérile sera abattu et jeté au feu ».

Des paroles aussi poignantes, des reproches aussi sincères, de tels actes d’humiliation, furent-ils jamais proférés par un homme de facultés aussi brillantes et dont la vie avait été à ce point