Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/24

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irrévocable impression grâce à la parfaite compréhension de trois bienfaits sans prix : « la Paix, l’Obéissance, la Foi ». À ces leçons d’ordre moral, il ajoute l’habitude de tenir ses yeux et son esprit toujours fixés sur un objet donné et une extrême délicatesse des sens due à une stricte discipline. Mais ces choses excellentes étaient mélangées à de grandes « calamités ». D’abord, il n’avait rien à aimer ; ses parents, « il ne les aimait guère plus que le soleil ou la lune ; ils étaient eux aussi pour lui des puissances visibles de la nature ». Il n’aimait pas Dieu davantage ; il n’avait aucun compagnon à assister ou de qui il fût l’obligé. D’un autre côté, il n’avait rien à supporter : aucun danger, aucune peine à redouter ; « sa force n’était jamais exercée, sa patience jamais mise à l’épreuve, son courage jamais stimulé ». On ne lui donnait aucune éducation ; il devenait prodigieusement timide ; il n’avait aucune adresse, point d’aisance ni de tact dans la conduite. Enfin, dernière et suprême calamité, sa faculté de juger restait inculte. « On ne lui enlevait jamais ni la bride ni les œillères. » — C’est là un récit véridique, quoique un peu exagéré, et fort mélancolique, de l’éducation d’un enfant, d’une merveilleuse sensibilité, d’une précocité presque sans exemple, enmaillotté et isolé de tout contact extérieur et amené ainsi, par l’affection et l’autorité paternelles,