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Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/259

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surtout par la largeur et la vivacité de ses sympathies, par sa faculté de vivre comme peu d’hommes en seraient capables, tout admiration, tout espoir, tout amour. Une telle vie n’est-elle pas digne d’être vécue, quels que soient ses résultats ? »

Oui assurément, et nous pouvons même ajouter quels que soient ses erreurs et ses insuccès. Les quatre-vingt-seize lettres de Fors sont l’histoire d’une longue suite d’erreurs, d’échecs et de cruelles déceptions. Elles font aussi ressortir cette malheureuse tournure d’esprit et de caractère qui ruina la vie de Ruskin et neutralisa ses belles facultés, cette folie présomptueuse de vouloir refondre de novo, et, à lui seul, la pensée de l’homme, de reconstituer la civilisation avec sa seule passion, sans la culture et les connaissances préalables, essayant, par ses seules forces, de ramener la société en arrière vers un passé entièrement imaginaire et tout fictif. Oui rappelons-nous que :

« Ce fut une grave faute.
Et César en fut gravement puni. »

Mais il y a des échecs plus beaux et plus utiles à l’humanité que bien des triomphes. Il est impossible de peser la valeur ou de juger la légitimité de sacrifices sans espoir mais qui furent héroïques. Ceux qui succombent en enfants perdus laissent de