Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/130

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D’abord nous pouvons demander si l’expérience a fourni une base suffisante pour tirer une induction. Il n’y a pas trois générations que les femmes, sauf de rares exceptions, ont commencé à s’essayer dans la philosophie, la science ou les arts. Avant notre génération, ces essais n’étaient pas nombreux, et même à présent ils sont très rares partout ailleurs qu’en Angleterre et en France. On peut se demander si, d’après ce qu’on pouvait attendre du calcul des probabilités, un esprit doué de qualités de premier ordre pour la spéculation ou les arts créateurs eût dû se rencontrer plus tôt chez les femmes à qui leurs goûts, leur position, permettaient de se consacrer à ces objets. Dans toutes les choses où elles ont eu le temps nécessaire, spécialement dans la partie où elles ont travaillé depuis le plus longtemps, la littérature (prose ou vers), sans atteindre les premiers rangs, les femmes ont fait autant de belles œuvres et obtenu autant de succès qu’on pouvait l’espérer, en tenant compte du temps et du nombre des compétiteurs. Si nous remontons aux temps primitifs, quand très peu de femmes s’essayaient dans la littérature, nous voyons que quelques-unes y ont obtenu un succès remarquable. Les Grecs ont toujours compté Sapho parmi leurs grands poètes, et il nous est bien permis de supposer que Myrtis, qui, dit-on, enseigna la poésie à Pindare, et