Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/134

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sujet : de combien d’hommes, dans l’innombrable quantité d’auteurs qui ont écrit sur ces matières pendant ce temps, est-il possible d’en dire plus sans s’écarter de la vérité ? Si aucune femme n’a encore été un grand historien, quelle femme a donc possédé l’érudition nécessaire pour le devenir ? Si aucune femme n’a encore été un grand philologue, quelle femme a étudié le sanscrit, le slave, le gothique d’Ulphilas, le zend de l’Avesta ? Dans les questions de pratique même, nous voyons ce que vaut l’originalité des génies ignorants. Ils inventent de nouveau sous une forme rudimentaire ce qui a déjà été inventé et perfectionné par une longue succession d’inventeurs. Quand les femmes auront reçu la préparation dont tous les hommes ont besoin pour exceller avec originalité, il sera temps de juger par expérience si elles peuvent ou ne peuvent pas être originales.

Sans doute il arrive souvent qu’une personne qui n’a pas étudié avec soin et à fond les idées que d’autres ont émises sur un sujet a, par l’effet d’une sagacité naturelle, une intuition heureuse qu’elle peut suggérer, mais qu’elle ne peut prouver, et qui pourtant, mûrie, peut donner un accroissement considérable à la science. Dans ce cas même, on ne peut mettre cette intuition à profit ni lui rendre la justice qui lui est due, avant que d’autres personnes