Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/135

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pourvues de connaissances préalables s’en emparent, la vérifient, lui donnent une forme pratique ou théorique, et la mettent à la place qui lui appartient parmi les vérités de la philosophie et de la science. Est-ce qu’on suppose qu’il n’arrive pas aux femmes d’avoir de ces heureuses pensées ? Une femme intelligente en a un nombre immense. Le plus souvent elles les perdent faute d’un mari ou d’un ami qui possède l’autre connaissance et puisse estimer ces idées à leur valeur, et les produire dans le monde : et, alors même que cette circonstance heureuse se rencontre, l’idée passe plutôt pour appartenir à celui qui la publie qu’à son auteur véritable. Qui dira jamais combien d’idées originales, mises au jour par des écrivains du sexe masculin, appartiennent à une femme qui les a suggérées, et n’ont reçu d’eux que la vérification et la monture ? Si j’en peux juger par mon propre exemple, il y en a beaucoup.

Si de la spéculation pure nous revenons à la littérature prise au sens le plus strict du mot, une raison générale nous fait comprendre pourquoi la littérature des femmes est une imitation de celle des hommes dans sa conception générale et dans ses principaux traits. Pourquoi la littérature latine, ainsi que la critique le proclame à satiété, est-elle une imitation de la littérature grecque, au lieu d’être originale ?