Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/186

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des lois et des règles sociales auxquelles sa conscience peut souscrire.

Pour apprécier justement ce que vaut l’indépendance de la personne comme élément du bonheur, considérons ce qu’elle vaut à nos yeux pour notre propre bonheur. Il n’y a pas de sujet où les jugements diffèrent plus, selon qu’on juge pour soi ou pour autrui. Quand on entend quelqu’un se plaindre qu’il n’a pas sa liberté d’action, que sa propre volonté n’a pas une influence suffisante sur ses propres affaires, on est porté à se demander : de quoi souffre-t-il ? Quel dommage réel a-t-il subi ? En quoi voit-il que ses affaires soient mal administrées ? Et si, en répondant à ces questions, on ne parvient pas à nous faire voir un grief qui nous paraisse suffisant, nous fermons l’oreille, nous regardons ces plaintes comme l’effet du mécontentement d’une personne que nulle concession raisonnable ne pourrait satisfaire. Mais nous avons une tout autre façon de juger quand il s’agit de prononcer dans notre propre cause. Alors l’administration la plus irréprochable de nos intérêts par le tuteur qui nous est donné ne nous satisfait point : nous sommes exclus du conseil qui décide, voilà le plus grand des griefs, et nous n’avons pas même besoin de démontrer que l’administration est mauvaise. Il en est de même des nations. Quel citoyen d’un pays libre voudrait prêter l’oreille à des