Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/188

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pas semblé qu’on nous débarrassait d’un poids lourd, qu’on nous ôtait des liens gênants sinon douloureux ? Ne nous sommes-nous pas sentis deux fois plus vivants, deux fois plus hommes qu’auparavant ? Est-ce que l’on s’imagine que la femme n’a aucun de ces sentiments ? Mais tout le monde sait que les satisfactions et les mortifications de l’orgueil personnel qui sont tout absolument pour la plupart des hommes quand il s’agit d’eux-mêmes, sont comptés pour bien peu quand il s’agit d’autrui, et ne semblent pas des motifs aussi puissants pour légitimer les actions, que tout autre sentiment naturel de l’homme. Peut-être est-ce parce que les hommes les décorent, quand il s’agit d’eux-mêmes, des noms de tant d’autres qualités, qu’ils sentent rarement la puissance avec laquelle ces sentiments dirigent leur vie. Soyons certains que le rôle de ces sentiments n’est pas moins grand ni moins puissant dans la vie des femmes. Les femmes sont instruites à les supprimer dans la direction où ils trouveraient l’emploi le plus naturel et le plus sain, mais le principe interne reste et se révèle au dehors sous d’autres formes. Un caractère actif et énergique, qui se voit refuser la liberté, cherche le pouvoir : privé de la disposition de soi-même, il affirme sa personnalité en essayant de gouverner les autres. N’accorder à des personnes aucune existence propre, ne leur permettre