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DELILLE.



Sous l’ombrage épais d’un antique berceau de tilleuls, au milieu d’un jardin rempli d’arbustes et de fleurs soigneusement cultivés, repose Delille, le premier des poètes français, le chantre inimitable de la nature, le traducteur illustre de Virgile et de Milton. Son modeste tombeau, élevé par la tendresse conjugale, et tel que lui-même en avait tracé le plan[1], n’est décoré d’aucuns ornements superflus ni d’aucune épitaphe pompeuse. L’entrée, tournée vers le midi, est fermée par une porte de bronze, au-dessus de laquelle est écrit seulement :

JACQUES DELILLE.

Ces mots sont répétés du côté opposé, gravés en lettres d’or sur un marbre blanc, qui semble attendre une plus longue inscription, mais où sans doute tous ceux qui visitent ce tombeau inscrivent d’avance, par la pensée, les titres de ses nombreux et sublimes travaux.

  1. Dans une épitre à sa femme, qui précède le poëme de l’imagination, et qui est un chef-d’œuvre de sentiment et de saine philosophie, Delille décrit ainsi le lieu qu’il veut que l’on consacre à sa sépulture :

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    Écoute donc, avant de me fermer les yeux,
    Ma dernière prière et mes derniers adieux ;
    Je te l’ai dit : au bout de cette courte vie,
    Ma plus chère espérance et ma plus douce envie,
    C’est de dormir au bord d’un clair ruisseau,
    A. l’ombre d’un vieux chêne, ou d’un jeune arbrisseau :
    Que ce lieu ne soit pas une profane enceinte :
    Que la religion y répande l’eau sainte ;
    Et que de notre foi le signe glorieux,
    Ou s’immola pour nous le rédempteur du monde,
    M’assure, en sommeillant dans cette nuit profonde,
    De mon réveil victorieux.
    Là, quand le ciel voudra que je succombe,
    Dans le repos des champs place mon humble tombe.

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    Toi, viens me voir dans mon asyle sombre :
    Là, parmi les rameaux balances mollement,