Page:Joly - Note sur le Parc national de Yellowstone aux États-Unis.djvu/6

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et le penseur se sentent pénétrés jusqu’au fond de l’âme et saisis d’une muette admiration devant la majesté d’un si grand spectacle[1], ce qu’il faut surtout, c’est du repos et du silence : il est odieux de voir, autour de soi, toutes les petitesses humaines venir s’étaler sous nos yeux sous forme d’hôteliers, de tourniquets et de cicérones rapaces : ceux-là me comprendront qui ont vu Constantinople, Pompéi, Saint-Pierre de Rome, ou toute autre grande œuvre de l’art ou de la nature.

Un jour viendra sans doute où la prodigieuse puissance du Niagara (plus de quatre millions de chevaux) sera transformée en électricité et transmise au loin : car de tout temps, si l’on a utilisé les chutes d’eau sur place, il faut aujourd’hui transmettre leur puissance, soit sous forme d’air comprimé, comme au Mont-Cenis et au Saint-Gothard, soit au moyen de câbles enroulés autour de tambours et de poulies, soit enfin en transformant la force de la chute en électricité qui peut ensuite agir à de grandes distances.

Déjà le Gouvernement des États-Unis, plus clairvoyant aujourd’hui, avait eu le bon esprit en 1864, de conserver à la science et à l’admiration des voyageurs, les merveilles végétales de la vallée de Yosemite, en Californie. Une mesure semblable a été prise pour le parc qui fait l’objet de cette note.

Ce parc est le plus étendu qu’il y ait au monde : c’est plutôt ce que les Américains appellent « a reservation » ou une portion de territoire réservée dans un but d’intérêt public, par

  1. Qu’on se figure un fleuve large comme l’avenue du Bois-de-Boulogne, à Paris, et tombant de la hauteur des tours de Notre-Dame entre deux rochers perpendiculaires de 250 pieds de haut et l’on aura une maigre idée du Niagara. Malheureusement, la première vue qu’on en a est toujours d’en haut et l’effet en est beaucoup diminué : cet effet, qui diffère beaucoup l’été et l’hiver serait tout autre si l’on arrivait d’abord au pied des chutes. Il en est de même pour toutes les grandes choses ; par exemple, Saint-Pierre de Rome vu de la place, entre les portiques qui le précèdent, ne donne pas une idée de son immensité ; le Mont-Blanc, vu de Chamounix, à une altitude déjà considérable, ne paraît pas très élevé et on ne l’apprécie véritablement qu’en en faisant l’ascension, ou en en faisant le tour.