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NOTICE

sario des principaux théâtres du temps, qu’il avait avancé a l’auteur, sur sa comédie, cinq shellings, ce qui ne nous donne pas une haute idée de sa fortune à ce moment. Mais il se préoccupait moins de ce que lui rapporterait sa pièce que d’un plan qu’il s’était tracé et qu’il devait suivre toute sa vie.

« Bien que le besoin de vivre, fait-il dire au prologue, fasse le plus grand nombre de poëted, même ceux que l’art et la nature n’ont pas créés pour l’être ; cependant le nôtre, malgré la même nécessité, n’a pas tant aimé se faire jouer, qu’il ait osé maintenir les mauvaises coutumes du théâtre, et consenti à payer vos applaudissements, en sacrifiant sa répugnance à mettre sous vos yeux un enfant enveloppé de langes, qui devient homme, et atteint la soixantaine et plus avec la même barbe et les mêmes vêtements, ni à ressusciter, au moyen de trois épées rouillées et de quelques mots longs d’un demi-pied ou d’un pied, les nombreuses querelles d’York et de Lancastre… Il préfère vous prier de bien accueillir aujourd’hui une pièce telle, selon lui, que les autres devraient être… »

Ben Jonson fut toujours fidèle à ce plan. Sa comédie est écrite dans le goût de Plaute et de Térence, il y gardait la règle des unités ; mais de plus, il se posait en censeur, et raillait les auteurs en renom qui avaient la faveur du public. On l’accusa et on l’accuse encore d’avoir été l’ennemi de Shakspeare, tandis qu’il est évident qu’il s’attaquait à tous et ne distinguait personne.

Dans une lettre qui précède l’Alchimiste, il dit encore : « Je ne nie pas que ces gens qui cherchent toujours à faire plus qu’assez, rencontrent quelquefois de bonnes choses, même de grandes, mais très-rarement, et quand cela arrive, c’est loin de compenser ce qu’ils font de détestable. »

Ainsi, dans son début et dans tout le cours de sa carrière théâtrale, Ben Jonson a lutté contre son siècle. Mais il ne se tient jamais pour battu ; il a même, vis-à-vis de son public, plus que de l’audace, il y joint une certaine arrogance.

En 1589, il écrivit sa comédie[1] Every man out of his hu-

  1. 2e série, sous presse.