Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/14

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Bessarabie, qui n’est que la moitié orientale, détachée en 1812 seulement, de l’ancienne Moldavie unitaire, s’il n’y avait pas ces lignes de collines qui, par la protection de leurs forêts et par la fraîcheur de leurs vallons arrosés de lentes rivières entretiennent la fécondité du sol, tout ce territoire serait resté un simple coin négligé et désert de la grande steppe vide.

La montagne est tellement familière au Roumain qu’elle n’a pas de nom distinctif. Peut-être s’appelait-elle jadis le « Caucase », mais ce nom même ne signifie pas plus que celui des « Alpes », car il vaut autant que le terme commun de « rocher ». C’est dans les livres d’école que les jeunes Roumains apprennent le nom des Carpathes ; pour le peuple, c’est tout simplement : « Muntele ».

Pour avoir le sens complet de l’unité géographique de ces régions, il faut tenir compte d’un autre élément qui est la rivière, le Danube, car c’est de la réunion de cette montagne et de cette rivière que dérive le caractère unitaire d’une région dont les apparences sont si variées.

Il n’y a pas qu’un seul Danube : il y en a plusieurs, au moins trois. Le rapide cours d’eau qui jaillit des profondeurs de la Forêt-Noire garde pendant longtemps le caractère romantique d’une rivière allemande. Même lorsqu’il porte des vaisseaux, de grandes dimensions sur ses ondes accrues par les torrents des montagnes, il n’a pas encore l’aspect imposant d’un fleuve. A Vienne, il ne domine pas encore la grande ville, qui, malgré « ses ondes bleues », n’en tire aucun caractère. Entre l’ancienne Bude historique des rois magyars et des pachas turcs, leurs successeurs, le Pesth moderne, la ville parvenue, aux maisons de pierre dénuées de style, il est déjà souverain ; ses ponts gigantesques sont le principal ornement et la plus grande œuvre technique de la capitale hongroise. Malgré ces dimensions