Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/173

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établir, ainsi que Pierre avait été établi sur les ruines du trône de Jean-le-Terrible. Mais, sur le fleuve, en hiver, les Turcs eux-mêmes, puis les Tatars de Crimée, qui avaient quitté les plaines de la Hongrie envahie pour achever la déroute de ce nouvel ennemi, furent vaincus en quelques jours ; les cavaliers de Michel, qui avaient fait fuir le Khan lui-même devant leur jeune essor, prenaient par les chemins couverts de neige la route d’Andrinople. Braila fut incendiée ; les Cosaques soudoyés par Aaron étaient de nouveau apparus devant Bender ; Ismaïl, nouvelle création turque et la plus puissante des places fortes du Danube inférieur, succomba quelques mois plus tard : on y retrouva les anciens canons hongrois du XVe siècle, portant le corbeau valaque avec les armes des Hunyady.

Nous avons parlé plus haut du traité conclu par les délégués de Michel et d’Etienne Razvan, qui, à l’aide de la garde transylvaine, avait renversé son maître Aaron, pour s’assurer le secours du fier Magyar. C’était pour le pays, « réuni » à la Transylvanie, une profonde déchéance, mais pour les boïars un succès : l’autorité du prince sombrait en même temps que la liberté des paysans, et la caste guerrière restait maîtresse du pays et de ses destinées. Elle existait seule, pour la domination à l’intérieur et pour les grandes aventures au-delà des frontières.

Le Vizir Sinan, la plus haute personnification de l’orgueil ottoman et de la vaillance albanaise, était accouru, en effet, pour en finir avec l’indépendance de ces provinces, toujours incertaines, qu’il s’agissait de transformer en simples pachaliks de l’Empire. H fut vaincu à Calugareni, dans les marais du Neajlov, le 23 août 1595, par la noblesse valaque, que soutenait un corps auxiliaire transylvain et la dure résistance des Cosaques mercenaires ; Michel lui-même avait