Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/252

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et dans cet esprit éclairé qui était aussi celui du gouverneur général russe ou « Président des Divans exécutifs », ce voltairien égalitaire et passionné de liberté que fut le général comte Paul Kisselev ; les secrétaires de la Commission furent Asachi, le lettré moldave, et un jeune boïar valaque, d’une activité infatigable et d’une grande distinction d’intelligence, Barbu Stirbei (Stirbey). On eut enfin la séparation des pouvoirs, le Conseil des ministres, une bureaucratie à la française, des finances organisées, une fiscalité toute nouvelle, des communes et cette armée nationale, cette « milice » qu’on avait si longtemps désirée. Il n’y eut désormais plus d’autres boïars que les fonctionnaires. Comme dans le projet de 1822, le prince était élu, mais par une « Assemblée générale », composée de 150 membres, et pris seulement parmi les grands boïars. L’ « Assemblée Nationale » ordinaire contenait des délégués boïars élus par des boïars. Elle avait le droit de présenter des doléances contre le prince à Pétersbourg aussi bien qu’à Stamboul, et ce prince lui-même, qui pouvait être « destitué pour cause de délits », si le protecteur et le suzerain étaient d’accord là-dessus, avait le droit d’accuser l’Assemblée devant ce tribunal suprême étranger, et même de la dissoudre.

L’oligarchie était satisfaite : une belle forme moderne harmonieuse recouvrait l’ancienne bâtisse du moyen âge, qu’on s’était bien gardé d’entamer. La bourgeoisie qui, en Valachie, avait déjà un caractère national, par la fusion rapide des éléments chrétiens, n’exerçait aucune influence ; en Moldavie, la grande invasion des Juifs de Galicie au XVIIIe siècle et dans les premières années du XIXe l’avait étouffée dans son germe. Quant au paysan, il n’avait pas même le droit d’administrer sa commune, il n’était pas admis à voter pour l’Assemblée qu’on appelait, comme en dérision, «