Le paysan roumain du royaume n’a pas été admis jusqu’à prendre part à la vraie vie politique : les quelques villageois qui figurent quelquefois dans la Chambre des Députés appartiennent au décor, et les électeurs du troisième Collège n’étaient guère laissés libres de manifester leurs sympathies réelles. L’état économique et social de la classe qui forme plus des trois quarts de la nation n’a pas inspiré de trop lourds soucis depuis le commencement de cette vie des partis qui distrait l’attention des administrateurs de leur mission principale pour la reporter sur des intrigues des rivaux. Cependant, les paysans ont fait des efforts louables pour profiter de l’école rurale organisée enfin depuis une vingtaine d’années, par les soins d’un ministre actif et sincèrement démocratique, le professeur Spiru Haret. Alors qu’on ne pensait pas même à leurs misères, ils réunirent leurs petites économies pour commencer, sous la conduite des maîtres d’écoles et des prêtes, ce grand mouvement de coopération rurale, qui est en train de transformer le pays.
En 1877, l’armée qui gagna l’indépendance était en grande partie une armée de paysans. Mais, bien qu’il s’agît de combattre l’ancien ennemi héréditaire, le « païen profane », il n’y eut pas un mouvement populaire qui prépara, qui imposa la guerre. En 1912, lorsque la Confédération balcanique attaqua la Turquie, la Roumanie était incertaine de la voie à suivre ; le chef intellectuel des junimistes, qui se trouvait au pouvoir, ayant à ses côtés le chef du parti conservateur-démocrate qui existait encore, le critique et le philosophe Titus Maiorescu, se contenta de répéter la déclaration vaine de désintéressement faite en 1877 par la Roumanie. La politique de parti s’en mêla cependant aussitôt ; à côté des abstentionnistes, il y avait les partisans d’une guerre immédiate avec la coalition entière. Le roi Charles, qui se rappelait son ancien rôle