Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

au profit de la chrétienté de l’Orient, refusa d’obtempérer aux sommations de cette opposition ; mais l’Autriche, qui comptait sur un conflit entre Serbes et Bulgares pour arracher aux premiers le fruit de leur victoire, envoya à Bucarest, en automne encore, le général Conrad de Hoetzendorf, chef de l’état-major impérial. Lorsque l’armée bulgare attaqua traîtreusement ses camarades, il y avait à Bucarest des politiciens qui, ne pensant qu’aux avantages possibles, n’étaient pas décidés sur la direction que devaient prendre l’intervention roumaine.

Or, si la Roumanie, soutenue par la France et la Russie, put résister aux suggestions de l’Autriche, aux conseils mêmes de l’Allemagne, elle le dut à l’esprit public formé par cette civilisation nationale dont les tendances étaient dirigées, non vers une expansion d’État vers les Balcans, mais vers la reconstitution de l’Unité roumaine primordiale au-delà des Carpathes. La campagne contre la Bulgarie, qui sauva certainement la Serbie et la Grèce d’un désastre, fut faite sans haine aucune, et l’annexion de la Dobrogea méridionale avec Dobritsch-Bazargic et Balcic, ne fut qu’une mesure de précaution contre les appétits de voisins qui voulaient arracher au Royaume son droit à la mer. Enfin l’enthousiasme populaire pour cette campagne était une preuve évidente de la vitalité paysanne en plein essor.

Lorsque la guerre générale éclata, en août 1914, à la suite de la violence que l’Autriche voulait faire à la Serbie par son « expédition de châtiment », les hommes politiques roumains, retenus par tout leur passé et influencés par la grande autorité d’un roi fidèle aux « bonnes traditions », hésitèrent encore une fois. Ils voyaient peut-être bien qu’il fallait faire une autre politique, mais ce n’était pas la leur. Ce fut un grand succès inattendu que la déclaration de neutralité