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Page:Joseph Bonjean - Monographie de la pomme de terre, 1846.djvu/220

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Après de semblables faits, j'espère qu'on cessera de regarder comme poison les parties des pommes de terre atteintes de la maladie, et comme dangereuses, les pommes de terre elles-mêmes qu'on aura privées de tout ce qu'elles contenaient de gâté. Curieux de connaître ce qu'il était possible de retirer de mangeable des tubercules que l'on jette ainsi à pure perte, j'en ai fait ramasser cent livres, sans choix, et je les ai fait largement monder de toutes leurs parties malsaines.

Après cette opération, il est resté 73 livres de pommes de terre exemptes de toute altération, et dont je ne ferai pas la moindre difficulté de me nourrir comme des plus belles que l'on trouve au marché. C'est donc les trois quarts environ des pommes de terre que l'on jette, qu'il est possible de tirer parti[1]. Heureux si mes essais et mes observations peuvent contribuer à conserver au pauvre laboureur une grande partie du plus précieux de ses aliments, dont une prévention funeste eût pu le priver[2] «

  1. Cette proportion est devenue moindre depuis cette époque, l'altération :iy ;iut continué à faire des progrès plus ou moins étendus.
  2. Immédiatement après la publication de cet article, M. le comte de Belgrano, Intendant Général à Chambéry, s'empressa d'en annoncer officiellement ces résultats à toutes les Intendances du Duché, pour être ensuite transmis aux Syndics de chaque commune. C'est d'après la lettre-circulaire de cet habile Administrateur, que MM. les Recteurs de chaque paroisse ont publiquement fait connaître, en chaire, à leurs paroissiens, l'usage qu'ils pouvaient faire des tubercules malades, soit pour l'alimentation de l'homme, soit pour celle des animaux. C'est ainsi qu'on est parvenu à profiter d'une grande quantité de pommes de terre malades, que des préjugés mal fondés voulaient faire sacrifier à pure perte. — Cette sage mesure a été suivie par tous les Gouvernements voisins, qui se sont bien trouvés de l'avoir mise en pratique. Je ne dois pas passer sous silence une proclamation faite dans ce but, par un maire de campagne (Isère), et affichée à la poile de sa commune dans l'intérêt de ses administrés. En voici la copie textuelle, telle que l'ont publiée plusieurs journaux français, et entr'autres la Presse du 26 octobre 1845 :
    Maladies Des Pome De Ter Arrête :

    Art. 1er. —Vu que les pommes de ter sont gates dan ce peis comme dan la France, la Glande, et les antres.

    Art. 2. — Attendu que la miser est grande et que la ilile maladie des pommes de terre est un gran malcur, vu que le blé est cher et le sarazin pas gréné.

    Art. 3.— Considérant quil fol vivre sans mangé vu que les habitant non ni lun ni l'autre cl quil lot voir.

    Art. 4. — Considérant (jue dans lin (erré de tout le mode jan ai nourri mais cochon pendant tout une scmain et que jan ai mangé moi même pour cscier et que r.ous navon pas ete inconiodcs.

    Art 5. — Considérant que la genice de M. B. est inorlc sans remede, attendu que la dite n'avait pas mangé de pome de ter gates vu que je man suis assuré.

    Art 6. — Vu que l'academi de Lyon la dit dans le journal que le maire rcçoi, vu aussi qun farmacien de Chamberi set nourri de bonlion de pomes de ter gates et quil nademal au queur qune fois.

    Art. 7. — Attendu tout cela que les pomes de 1er gates ne son pas malsain, ordonnons à tous les habilans, vache, bœu, chcvau et cochons de la présente commune de manger de pome de 1er gates car sa ne nui pas.

    Art. 8. — Ordonnons que les dites pome de ter soit triés, mise au four pour les faire séché et pas en tas dans les caves. Fait en Mairie 15 octobre 1845.