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J. BOUSSINESQ.

à peu. Au reste, cette production d’une agitation tourbillonnaire au sein de toute masse fluide qui s’écoule à travers des sections d’une certaine étendue n’est pas seulement très-vraisemblable a priori : elle a été observée depuis longtemps, surtout dans les liquides, et remarquée, en particulier, par MM. Poncelet, de Saint-Venant, Boileau, Darcy, Bazin, qui l’ont signalée comme un moyen puissant employé par la nature pour éteindre là forcé vive (c’est-à-dire plutôt pour la changer en énergie interne ou en chaleur).

Il est vrai que des savants estimables ont tenté, tout récemment encore, d’expliquer l’écoulement dans les conduites et dans les canaux découverts en supposant, du moins à une première approximation, la continuité parfaite des mouvements du fluide. Mais une telle hypothèse me paraît être devenue complètement inadmissible depuis les expériences si précises du docteur Poiseuille sur l’écoulement dans les tubes capillaires, expériences qui prouvent : d’une part, l’exactitude des expressions des frottements intérieurs données par Navier pour les mouvements continus ; d’autre part, l’excessive petitesse du coefficient constant de ces frottements, qui est comme nul en comparaison de ceux que l’expérience oblige de prendre en hydraulique. Et il est bien inutile de joindre aux formules de Navier, pour en déduire l’explication de faits qui leur sont étrangers, des termes contenant, soit les puissances supérieures des dérivées premières des vitesses, soit surtout les dérivées secondes, troisièmes, de celles-ci ; car toutes ces dérivées atteignent, dans la plupart des écoulements étudiés par M. Poiseuille, où l’influence des termes complémentaires dont il s’agit n’a pu même être soupçonnée, des valeurs plus grandes que dans les mouvements, supposés à peu près continus, des eaux courantes. Comment


Comment on peut tenir compte analytiquement de l’agitation tourbillonnaire. Régime uniforme. ii. Il faut donc, si l’on veut que l’hydraulique cesse d’être, suivant l’expression de M. de Saint-Venant, une désespérante énigme[1] : 1o regarder les vitesses vraies, à l’intérieur d’un fluide

  1. Sur l’hydrodynamique des cours d’eau, no 12 (Comptes rendus, t. LXXIV, 26 février, 4, 11 et 18 mars 1872). — Voir aussi la page 30 de l’introduction aux Recherches""