Aller au contenu

Page:Joseph Boussinesq - Théorie de l'écoulement tourbillonnant et tumultueux des liquides dans les lits rectilignes à grande section, 1897.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poser atteint à tout instant, même pendant des mouvements rapides, l’état de la matière que nous avons appelé élastique[1], où la configuration interne propre de chaque groupe moléculaire ne varie, à une température donnée et pour une matière de constitution donnée, qu’avec les situations relatives occupées par les centres de ce groupe et des groupes environnants, c’est-à-dire avec l’état statique moyen local. Seulement, ici, les changements de configuration interne des groupes sont liés aux déformations d’ensemble ou visibles, de la manière qu’il faut pour maintenir l’isotropie de la particule aux dépens de la forme et même de la distinction des groupes, au lieu de l’être, comme dans un solide déformé entre ses limites d’élasticité, de manière à conserver le mode primitif d’assemblage des molécules en groupes distincts[2].

» Au contraire, dans les fluides un peu ou fortement visqueux (l’huile, les liquides pâteux, le goudron, etc.), l’évolution interne des groupes se fait avec lenteur, et il faut un temps plus ou moins appréciable pour que l’état élastique se reconstitue.

» Mais, quel que soit le degré de viscosité, cet état élastique, une fois produit, est, dans tous les fluides, éminemment simple, puisque, se trouvant isotrope, il ne varie, à température constante, qu’avec la place ou l’étendue totale laissée à chaque petit volume matériel pour y répartir uniformément ses molécules, c’est-à-dire, en d’autres termes, qu’avec la densité actuelle et puisqu’il n’est astreint par suite à la conservation d’aucun mode spécial de la contexture, en ce qui concerne la place de chaque molécule considérée individuellement ou suivie dans son identité aux divers endroits qu’il lui arrive d’occuper.

» La persistance ou plutôt le rétablissement incessant de l’isotropie sera donc la propriété caractéristique et comme la définition même du fluide.

  1. Voir la VIIe de mes Leçons synthétiques de Mécanique générale, etc., p. 83 et 84.
  2. Aussi les solides que l’on appelle isotropes le sont-ils seulement dans leur état choisi comme primitif, ou lorsque, à partir de cet état, ils changent de volume sans changer de forme, grâce à une égale contraction ou dilatation en tous sens. Les plus petites déformations suffisent pour les rendre, comme on dit, actuellement hétérotropes ou anisotropes, quoique fort peu ; et il importe d’observer que la qualification de corps isotrope, quand on la leur applique, se rapporte uniquement à leur état naturel ou primitif : c’est une restriction convenue, bien qu’implicite, que l’on apporte, en traitant de ces corps, au sens du mot isotropie.