Page:Joseph Louis de Lagrange - Œuvres, Tome 10.djvu/299

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On voit que Fermat a ouvert la carrière par une idée très originale, mais un peu obscure, qui consiste à introduire dans l’équation une indéterminée qui doit être nulle par la nature de la question, mais qu’on ne fait évanouir qu’après avoir divisé toute l’équation par cette même quantité.

Cette idée est devenue le germe des nouveaux calculs qui ont fait faire tant de progrès à la Géométrie et à la Mécanique ; mais on peut dire qu’elle a porté aussi son obscurité sur les principes de ces calculs.

Maintenant qu’on a une métaphysique bien claire de ces principes, on voit que la quantité indéterminée que Fermat ajoutait à l’inconnue ne servait qu’à former la fonction dérivée qui doit être nulle dans le cas du maximum : ou minimum, et qui sert en général à déterminer la position des tangentes des courbes.

Mais les géomètres contemporains de Fermat ne saisirent point l’esprit de ce nouveau genre de calcul ; ils ne le regardèrent que comme un artifice particulier, applicable seulement à quelques cas et sujet à beaucoup de difficultés. On peut voir, dans le troisième Tome des Lettres de Descartes, sa longue dispute avec Fermat sur ce sujet. Aussi cette invention, qui avait paru un peu avant la Géométrie de Descartes, demeura-t-elle stérile et presque dans l’oubli pendant près de quarante ans ; car, si l’on excepte la règle de Sluze pour trouver les tangentes, qui paraît déduite de la méthode de Fermat, et la méthode donnée par Wallis pour le même objet, laquelle n’est que celle de Fermat présentée d’une manière moins abstraite, cet espace de temps n’offre rien qui ait rapport à la découverte de Fermat.

Enfin Barrow imagina de substituer aux quantités qui doivent être supposées nulles, suivant Fermat, des quantités réelles, mais infiniment petites, et il donna en 1674 sa Méthode des tangentes, qui n’est que la construction de celle de Fermat, par le moyen du triangle infiniment petit, formé des côtés et et du côté infiniment petit de la courbe, regardée comme un polygone. Il donna ainsi naissance au système des infiniment petits et au Calcul différentiel. Mais ce calcul