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DE LAGRANGE AVEC D’ALEMBERT

94.

LAGRANGE À D’ALEMBERT.

À Berlin, ce 12 août 1771.

Mon cher et illustre ami, je suis bien sensible à tout ce que l’abbé Bossut vous a dit d’obligeant pour moi. Je l’ai toujours beaucoup estimé comme homme de mérite et comme votre ami, et je ne puis que vous être infiniment obligé de m’avoir procuré l’occasion de réparer en quelque sorte les torts que je pouvais avoir vis-à-vis de lui. Quant à l’autre personne dont vous me parlez[1], je ne crois guère lui avoir donné sujet de se plaindre de moi. Il est vrai que j’ai toujours soigneusement évité d’avoir la moindre liaison avec elle ; mais la raison en est : 1o qu’en général j’ai toujours aimé à vivre le plus isolé qu’il est possible, méthode dont je me trouve très-bien, surtout depuis que je suis dans ce pays ; 2o que la personne dont il s’agit a toujours montré de l’éloignement pour moi, même dès mon arrivée et avant de me connaître, ayant publiquement affecté d’éviter ma rencontre ; 3o que l’idée que l’on m’a d’abord donnée de son caractère ne m’a guère fait souhaiter son amitié ; 4o que j’ai vu moi-même que la plupart de ceux qui se sont frottés à cette personne s’en sont tôt ou tard assez mal trouvés, et que je suis bien aise de profiter de l’expérience d’autrui autant que je peux. Au reste, je ne crois guère mériter le reproche qu’elle me fait de n’être pas facile à vivre et j’admire réellement cette personne de me faire un pareil reproche. Il se peut bien qu’elle soit malheureuse ; il est même presque impossible qu’elle ne le soit pas avec un naturel et un caractère tel que le sien à cela près, son sort est assez heureux, car elle a 1200 écus de pension, et son fils, qui est encore jeune et qui est

  1. Castillon.